Une année 2023 florissante pour les collections des musées de Granville
Le 30 janvier 2024
L’année 2023 a été riche en nouveautés pour les musées granvillais. Textiles, beaux-arts, objets ethnographiques, bibliophilies… Des pièces remarquables font leur entrée dans les collections.
Pour découvrir les collections des musées de Granville, rendez-vous sur la base de données du Réseau des Musées de Normandie.
Musée d’art et d’histoire
Le katana du Docteur Regnault
C’est une histoire, ou peut-être une légende familiale, digne d’un film qui entoure le katana apporté en don aux collections du Musée d’art et d’histoire.
Le docteur Regnault, médecin de la marine et obstétricien à la fin du 19e siècle, se rend à plusieurs reprises aux confins du Vietnam, à la frontière avec la Chine. Il sympathise alors avec un Mandarin chinois qui, quelques temps plus tard, fait appel à lui pour assister les sages-femmes dans l’accouchement de sa jeune épouse. Le docteur donnera alors des conseils tout en restant dans la pièce voisine. Les sages-femmes viennent régulièrement au rapport et repartent ensuite appliquer les conseils reçus. L’hériter naît et la mère est en bonne santé ! Lorsque le Mandarin demanda au docteur comment il osa rester loin de la femme enceinte, ce dernier répondit qu’il connaissait les coutumes locales et savait qu’aucun homme n’a le droit de voir nue l’épouse d’un mandarin, sous peine de mort.
Pour témoigner de sa reconnaissance, le Mandarin offrit le sabre avec lequel il avait prévu de le faire décapiter. Cet objet exceptionnel fut conservé dans la maison familiale de la Haute Ville durant toutes ces années.
La cuillère d’Antoine Fontaine
Ce cuiller en argent du 18e siècle complète les collections d’ethnographies du MahG, après l’acquisition en 2019 de deux couverts, une timbale et deux flambeaux réalisés par Antoine Fontaine, maître-orfèvre installé à Granville. Cette cuillère, d’une fabrication soignée et décorée d’armoiries et de sceaux, témoigne de la vie quotidienne à la fin du du 18e siècle.
Les marines d’Henri Rudaux
Après l’acquisition en 2021 de Vue du port, deux nouvelles huiles sur toile d’Henri Rudaux rejoignent les collections du Musée d’art et d’histoire.
L’artiste peintre ayant grandi à Donville-Les-Bains représente ici les bateaux de pêche utilisés au 19e et au début du 20e siècle. Henri Rudaux a fait le choix d’une palette très claire, un jeu de reflets sur la mer contrastant avec le ciel rendu presque opaque par la couverture nuageuse. L’équilibre des compositions et la lumière qui se dégage laissent également entrevoir le talent d’illustrateur de Rudaux, qui exerça surtout comme tel pour la presse illustrée d’actualité et les affiches publicitaires au 20e siècle.
Musée d’art moderne Richard Anacréon
Port de Granville par Paul Signac
Mise en vente le 20 décembre, c’est la dernière acquisition de 2023 et sans nul doute la plus exaltante de l’année. D’abord par le nom de son auteur, Paul Signac, artiste majeur de la fin du 19e siècle et du début du 20e, et représenté dans les collections de nombreuses grandes institutions, notamment au Musée d’Orsay. Ensuite, parce que les représentations de Granville sont assez rares dans les collections du MamRA. Enfin, c’est le processus d’acquisition, par la préemption, qui a mobilisé les équipes, les élus, Ministère de la Culture, qui rend cette acquisition mémorable.
Le musée compte parmi ses collections trois dessins de Paul Signac : tous font partie de la donation de Richard Anacréon à la création du musée. Ce nouveau dessin est l’un des derniers témoignages de l’activité de pêche morutière de la cité et peut, à ce titre, rejoindre les collections du MamRA tout comme il peut documenter les expositions du Musée d’art et d’histoire.
Regarde…, par Colette et Méheut
C’est un ouvrage convoité depuis plusieurs années par les équipes du MamRA. Déjà passé aux enchères et parti en d’autres mains, le livre avait été emprunté et présenté dans l’exposition temporaire de 2023, « Colette, le Blé en Herbe ». Le manque est désormais comblé dans les collections granvillaises : Regarde…, acquis en vente aux enchères, est un ouvrage consacré à la faune et à la flore marine, véritable hommage à la côte d’Emeraude, illustré de 20 compositions de Mathurin Méheut, coloriées au pochoir par Jean Saudé. Il fut édité par Jean-Guy Deschamps qui eut l’idée de demander à Colette d’écrire un texte qui accompagnerait les dessins de Méheut.
Quelques fables de La Fontaine, par François-Xavier Lalanne
Le succès de l’exposition Lalanne/Bestiaires présentée en 2022 incite le MamRA à enrichir les collections de ce nouvel ouvrage autour du fabuliste Jean de la Fontaine.
François-Xavier Lalanne a choisi d’illustrer des Fables peu connues de l’auteur. On y retrouve son goût pour le traitement des sujets animaliers, traités avec une économie de moyens qui donne toute son importance à la ligne. L’humour et la dérision font écho aux textes des fables choisies.
Les Croix de Bois, de Roland Dorgelès
En prévision de l’exposition consacrée aux Plumes de la Grande Guerre, et pour compléter le fonds initié par Richard Anacréon, le MamRA a fait l’acquisition de cette édition 1930.
Roland Dorgelès fit partie de ces « écrivains-combattants ». Réformé d’office en raison d’une santé fragile, il s’est engagé volontairement et a été envoyé au front. Les Croix de Bois, dont le titre fait référence aux tombes creusées à la va-vite pour enterrer les soldats morts au combat, est un ouvrage que l’auteur a écrit à partir de notes prises dans les tranchées.
Huit illustrations de guerre d’André Dunoyer de Segonzac
Acquis quelques mois avant Les Croix de Bois, cet ouvrage est un recueil de compositions réalisées par André Dunoyer de Segonzac.
S’inspirant de son expérience personnelle, l’auteur y raconte le quotidien des soldats français durant la Première Guerre Mondiale. Huit illustrations de guerre ne fut tiré qu’à 97 exemplaires et les planches ont été rayées une fois le tirage terminé. Celui-ci appartient à l’une des 15 épreuves d’artiste et provient de la bibliothèque de Roland Dorgelès. Chaque planche est protégée par une serpente légendée.
Musée Christian Dior
La bouteille de la Société Anonyme des Usines Dior
Si le Musée Christian Dior conserve plus particulièrement les œuvres du couturier de 1947 à 1957, il se fait aussi l’écho de l’histoire familiale, intimement liée à celle de la ville de Granville.
Au vu des documents présents dans les collections des musées Christian Dior et d’art et d’histoire de Granville, cette bouteille semblerait avoir contenu le fameux « Diorinol » qui « lave sans effort », la lessive fabriquée au début des années 1920.
Musée Christian Dior
La collection Dior Union
En regard du sac d’engrais présenté dans l’exposition « Christian Dior, le génie d’un créateur », figuraient notamment un tee-shirt, une paire de bottes et une paire de sneakers floqués du logo de la Société Anonyme des Usines Dior. Ces trois objets – don de Dior Couture-, ont fait leur entrée dans les collections du Musée Christian Dior.
Au-delà du clin d’œil, cette collection est représentative de la source d’inspiration pérenne que représente Christian Dior, tant son passé de couturier que sa qualité d’héritier d’une famille d’industriels.
Le tambourin de la collection Colifichets
Dès l’ouverture de sa maison de couture et de la présentation de sa première collection en 1947, Christian Dior fait aménager au bas de l’escalier mythique du 30, avenue Montaigne une sorte de petit stand faisant office de boutique, où il souhaite vendre de petites « frivolités ». La boutique Colifichets est née. Ce tambourin, reçu en don, est représentatif de cette courte mais non moins fructueuse période de création, sorte de « soupape » pour le couturier lui permettant de proposer moult accessoires de fantaisie, tout en diversifiant sa clientèle.
La robe et la jupe de Charlotte Perriand
C’est par de généreux dons que se constituent aussi les collections des musées. Pernette Perriand, fille de Charlotte Perriand, architecte, designer et photographe française, a permis au Musée Christian Dior de s’enrichir d’une robe et d’une jupe exceptionnelles à plusieurs titres.
Par le choix des tissus autant que par leur coupe, ces deux modèles révèlent une inspiration japonisante. On sait la fascination commune de Christian Dior et Charlotte Perriand pour le pays du Soleil Levant qui a nourri fortement leur imaginaire et leurs créations.
Un croquis plein de symbole
Si les robes, les accessoires ou encore les parfums griffés Christian Dior sont attendus dans les ventes aux enchères, les dessins de la main du couturier tel que celui qui a été acquis en fin d’année 2023 apparaissent plus rarement en vente publique. Signé « Tian Dior », l’une des signatures habituelles du créateur, ce croquis tout de nœuds vêtu était destiné à la réalisation d’une broderie ou d’un tissu.
Cette gouache illustre l’un des codes de sa maison de couture : le nœud. Il aimait à dire : « J’aime que les nœuds finissent un décolleté, garnissent un chapeau, ferment une ceinture. Petits, grands ou énormes, je les aime dans tous les styles et toutes les matières ».
Une robe d’après-midi aux couleurs éclatantes
Dès les débuts de sa maison de couture, Christian Dior souhaite exporter ses modèles à l’étranger. Il dut se plier aux besoins d’une clientèle étrangère. Les modifications apportées aux robes Haute Couture afin de convenir aux exigences de nouvelles clientes sont de différentes natures : modification des manches, du col, simplification des broderies ou encore choix d’un tissu différent du modèle original.
Cette robe, datée de 1956, est représentative des créations de la Maison Dior. Sa coupe s’inscrit pleinement dans les canons du New Look quand son imprimé évoque l’univers floral cher au couturier, inspiré du jardin de son enfance à Granville. Elle comporte un motif d’anémone « bleu magnétique » et « vert chartreuse », couleurs éclatantes que nous pouvons retrouver sur deux modèles conservés par le musée et datant de la collection printemps-été 1957 (ligne Libre), ainsi qu’un nœud, l’un des codes forts de la maison de couture, apposé sur la ceinture.
Les musées de Granville ne cessent d’enrichir leurs collections, pour les mettre en regard les unes des autres, et pour présenter la petite et la grande histoire, tour à tour locale, nationale ou internationale.