Les dépôts d’œuvres, une démarche d’enrichissement mutuel des collections pour les Musées de France
Le 20 décembre 2024
Le Musée d’art et d’histoire et le Musée d’art moderne Richard Anacréon, deux Musées de France particulièrement actifs dans leur politique de dépôt d’œuvres enrichissent leurs collections en s’appuyant sur la loi N° 2002-5 du 4 janvier 2002 relative aux musées de France.
Les quatre huiles sur toile sont issues de dépôts sur cette photographie.
Le tableau au centre, d’Eugène Isabey, est issu d’un dépôt au profit du MahG.
Qu’est-ce que l’appellation Musée de France ?
L’appellation Musée de France dont bénéficient les trois musées de Granville (Musée d’art et d’histoire, Musée d’art moderne Richard Anacréon, Musée Christian Dior), leur confère les quatre missions suivantes :
- Conserver, restaurer, étudier et enrichir leurs collections ;
- Rendre leurs collections accessibles au public le plus large ;
- Concevoir et mettre en œuvre des actions d’éducation et de diffusion visant à assurer l’égal accès de tous à la culture ;
- Contribuer aux progrès de la connaissance, de la recherche, ainsi qu’à leur diffusion.
C’est dans le cadre de ces missions que s’effectuent des prêts ou des dépôts d’œuvre. L’article L451-1 du Code du patrimoine énumère les conditions dans lesquelles les collections des Musées de France peuvent être prêtées, que ce soit à court terme (prêt) ou à long terme (dépôt).
Prêt ou dépôt, quelle est la différence ?
Un prêt d’œuvre est une procédure fréquente entre musées de France. A l’occasion d’une exposition, un établissement peut solliciter une œuvre en prêt auprès d’une autre institution. Cette œuvre peut s’inscrire dans un discours scientifique, favoriser le dialogue avec d’autres objets ou combler les lacunes au sein des collections de l’établissement emprunteur. Le prêt d’œuvre fait l’objet d’un contrat spécifiant les conditions de prêt, de transport, d’exposition, de reproduction, d’assurance… ainsi que les dates de l’emprunt. En effet, le prêt est consenti pour une durée limitée suivant un accord entre les deux établissements. Une prolongation du prêt peut être envisagée de manière exceptionnelle, avec un avenant, notamment en cas de prolongation d’une exposition. Cependant, le prêt reste temporaire.
En 2023, le Musée d’art et d’histoire de Granville a prêté 37 œuvres à 6 établissements différents. Avant leur départ, le régisseur des collections s’est assuré du bon état de l’œuvre, de sa capacité à être transporté et exposé, dans le respect des missions des musées de France précédemment évoquées.
Les procédures de dépôts sont également réglementées par la loi des Musées de France et le ministère de la Culture via les DRAC, Direction Régionale des Affaires Culturelles.
Le dépôt consiste à confier temporairement une œuvre – tableau, sculpture, dessin, livre, meuble… – à un musée pour une durée de cinq ans, renouvelable. Les deux établissements doivent bénéficier de l’appellation Musée de France garantissant ainsi une gestion rigoureuse des œuvres. Ces dépôts favorisent la diffusion des connaissances et des collections.
Le dépôt peut être interrompu à tout moment sur simple demande de l’une des parties.
Pendant la période de dépôt, le personnel scientifique de conservation du musée dépositaire est responsable de la bonne conservation des œuvres déposées.
Les prêts et dépôts d’œuvres d’art permettent donc d’assurer une diffusion des collections à un public élargi, tout en favorisant un équilibre territorial dans la répartition des collections publiques. Cette pratique repose sur une tradition ancienne puisque dès leur création, les musées d’État avaient reçu pour mission de diffuser les œuvres sur l’ensemble du territoire contribuant ainsi à l’enrichissement des collections des musées territoriaux. Si le premier texte réglementant les dépôts d’œuvres d’art appartenant à l’État date de 1910, l’ambition de l’État de déployer les collections nationales sur l’ensemble du territoire s’inscrit dans une politique ininterrompue depuis 1792.
A Granville, le Musée d’art et d’histoire accueille actuellement 12 dépôts d’institutions et de propriétaires privés. Citons par exemple l’huile sur toile d’Eugène Isabey, intitulée « La Plage de Granville », présentée en 2023 et 2024 au cœur de l’exposition « Bons Baisers de Granville » et déposée par le Musée de Laval ou encore « L’Episode du Siège de Granville » par Maurice Orange, déposé par le Centre National des Arts Plastiques et arboré fièrement dans la salle du conseil municipal de la Ville de Granville.
Le MahG a aussi déposé ses collections dans d’autres Musées de France. A ce jour, on compte 5 œuvres sont déposées en France : Paris, Rueil-Malmaison, Gers, Vire, Saint Sauveur le Vicomte .
Le MamRA bénéficie quant à lui de 19 dépôts : les œuvres d’André Lhote, « La Vie de Famille » et « Femme à sa toilette », déposés par le Musée National d’Art Moderne – Centre Georges Pompidou sont exposées au cœur du parcours permanent, ou encore la laque sur plaque métallique « Femme au voile » de Jean Dunand, déposé par le Centre National des Arts Plastiques.
La majorité des musées français recoure à des dépôts. Le Musée du Louvre, les recense même sur son site internet, pour permettre à chacun de découvrir ses œuvres en région.
Le cas du tableau de Maurice Orange à Rueil-Malmaison
En 2018, suite à la fermeture du Musée d’art et d’histoire pour travaux, la Ville de Granville a pris la décision de déposer un tableau de Maurice Orange, peintre granvillais, intitulé « Bonaparte en Egypte contemplant la momie d’un Roi » au Musée d’histoire locale de Rueil-Malmaison.
Ce dépôt s’inscrit dans l’histoire de la ville d’Île-de-France, où Napoléon Bonaparte et Joséphine possédaient leur propriété de prédilection : le Château de Malmaison.
Aujourd’hui, l’œuvre est présentée dans le salon jaune du Musée d’histoire locale. Les équipes documentent et diffusent la connaissance autour de ce majestueux tableau de 4 mètres par 5 mètres, notamment à travers une vidéo de présentation de l’œuvre, accessible à tous.
A ce jour, le dépôt se poursuit dans une relation de confiance entre institutions bénéficiant de l’appellation Musée de France.
Le cas des œuvres déposées au MamRA
L’équipe en charge des publics s’appuie ainsi sur ces 19 œuvres déposées au MamRA afin de proposer des activités ou dispositif de médiation intégrée. Des puzzles dérivés des œuvres, à l’image de l’huile sur toile « La Vie de Famille » d’André Lhote, incitent le visiteur à observer minutieusement l’œuvre pour en replacer chaque pièce.
Les scolaires découvrent aussi les œuvres en dépôt, notamment à travers des ateliers-découvertes consacrés au portrait. Ce ne sont pas moins de trois tableaux déposés qui composent ce cycle pédagogique. Le « Portrait d’Hermine David » de Jules Pascin permet d’étudier la vue de face d’un visage, tandis que « L’Autoportrait » d’Emile Bernard questionne la vue de trois quarts. Enfin, « Couple » de Kees Van Dongen interroge le profil. Ces trois œuvres sont reproduites par les élèves pour découvrir les différentes techniques et approches du portrait.
Les prêts et les dépôts tout comme les expositions, les publications de catalogue, l’accueil des publics… constituent des leviers majeurs de la diffusion des savoirs, rendant ainsi les collections de l’Etat accessibles au plus grand nombre. Le maillage entre les Musées de France constitue une richesse dont bénéficient les Musées de Granville, les habitants et les visiteurs.