Une restauration d’ampleur pour une œuvre

de Raoul Fougeray du Coudray

 

Le 30 juillet 2024

 

Le tableau intitulé « Notre-Dame des Grèves », réalisé par Raoul Fougeray du Coudray né à Granville en 1865, a été acquis par don en février 2022. Cette œuvre emblématique d’un artiste local, représentant une vue réinterprétée de Granville, justifie pleinement son acquisition. Elle a ainsi intégré les collections du Musée d’art et d’histoire (MahG) malgré son état de conservation qui nécessitait une restauration conséquente.

 

Observons ensemble la restauration d’une toile et de son cadre.

 

 

Raoul Fougeray du Coudray (1865-1941) fut peintre, historien et auteur. Il est lié à Maurice Orange, peintre reconnu nationalement, et Gustave Ory, tous deux représentés dans les collections du MahG. Cette acquisition enrichit le fonds dédié à cet artiste puisque le MahG possédait déjà l’une de ses œuvres intitulée Granville, vue sur le port.

 

Lorsqu’un donateur contacte un musée, il est d’usage d’organiser une visite pour examiner l’œuvre et rencontrer ses propriétaires. Les équipes des musées recueillent ainsi des informations précieuses : conditions de conservation, date d’entrée dans la famille, documents complémentaires (lettres, photographies de l’auteur…), et histoires familiales liées à l’œuvre. Toutes ces données alimentent le dossier d’acquisition et parfois celui de restauration de l’œuvre.

Cette première rencontre en 2022 a mis en évidence la nécessité de restaurer ce tableau. Avant même l’intervention des experts, on pouvait déjà constater un fort encrassement de la couche picturale, une toile distendue ainsi qu’un cadre endommagé par des chocs, provoquant éclats et lacunes.

Vue de l'aller-voir du tableau de Fougeray du Coudray
Vue de l'aller-voir du tableau de Fougeray du Coudray
Vue de l'aller-voir du tableau de Fougeray du Coudray

Vues du tableau chez son propriétaire, permettant de constater son état de conservation.

C’est en 2023, après un passage dans une bulle d’anoxie, technique de conservation curative qui consiste à retirer l’oxygène d’un espace pour en détruire d’éventuels parasites, que le traitement a pu commencer.

Qualifiées de mesures d’urgence, ces opérations de conservation et de restauration sont opérées sur la toile ainsi que sur son cadre d’origine. Elles ont été subventionnées par l’Etat et la Région Normandie à travers le FRAR, Fond Régional d’Aide à la Restauration.

Sur le tableau

 

Lorsque l’on parle d’un tableau, il faut distinguer le support et la couche picturale.

Le support d’une œuvre peinte peut être une toile, comme c’est ici le cas, un papier, du bois, une plaque de verre…
La couche picturale, quant à elle, peut être constituée de peinture à l’huile ou à l’eau (aquarelle, gouache).
Les techniques et matériaux à utiliser lors de la restauration varient en fonction de ces matériaux constitutifs.

 

Concernant la toile, le fort empoussièrement est constaté par les experts, tout comme le vernis encrassé, une petite zone brulée, la toile distendue et déformée et quelques soulèvements et lacunes. Le tableau nécessite des interventions fondamentales tant sur le support que sur la couche picturale.

Le relevé d’altérations met en lumière les interventions à engager, sur le support ou sur la couche picturale.

 

 

 

 

 

Avant d’intervenir, les restaurateurs procèdent aux constats d’état et examens de l’œuvre. Des prises de vues avant et après restauration permettent de documenter les différentes interventions et de constituer un dossier d’imagerie scientifique. Différents examens peuvent être effectuées en lumière directe ou rasante, à l’aide de lampes UV ou encore d’infrarouges. Ces différentes prises de vues accompagnent les restaurateurs dans leurs interventions.

S’agissant du support, l’objectif est de retrouver la planéité de la toile en résorbant les déformations et les déchirures. La remise en tension de la toile nécessite au préalable que celle-ci soit déposée de son châssis.

Châssis de la toile de Raoul Fougeray du Coudray

Sur le châssis de la toile, il est possible de lire « M. Du Coudray ». La toile est retendue sur ce même châssis.

Déposée, la toile est dépoussiérée et mise à plat pour résorber les déchirures et les déformations.

Toile distendue
Toile retendue après restauration de la couche picturale

Ici, il est possible de voir la toile distendue et les déformations occasionnées. La toile après intervention a retrouvé sa tension permettant également une meilleure lisibilité de la couche picturale.

Toile distendue, détail
Toile retendue

Avec ce détail, les soulèvements de la couche picturale sont particulièrement visibles. Il faut donc procéder avec méthode : d’abord, résorber les déformations, puis refixer les soulèvements et enfin retendre la toile.

Concernant la couche picturale, ici une huile, l’objectif est de la décrasser, d’alléger le vernis, de combler les lacunes localement, de résorber les quelques soulèvements et d’apposer un nouveau vernis pour assurer sa conservation.

Fenêtre de décrassement de la couche picturale

Exemple d’une fenêtre de décrassage en haut à droite et d’allégement du vernis qui avait jauni et ainsi terni les couleurs de l’œuvre.

Réparation des soulèvements

Refixage localisé de la couche picturale. A certains endroits, la toile étant détendue, la peinture s’est décollée de son support et doit être refixée.

Tâches de vernis et soulèvements
Couche picturale après nettoyage

Ici, l’application du vernis par l’artiste a laissé des coulures et gouttes devenues apparentes avec le temps en jaunissant. Le vernis oxydé altère ainsi la lisibilité de l’œuvre.

Sur le cadre

 

Le tableau de Raoul Fougeray du Coudray est entré dans les collections avec son cadre doré. Strié, daté de la fin du 19ème siècle ou du début du 20ème siècle, il pourrait s’agir du cadre original qui, à ce titre, a également bénéficié d’une restauration.

 

Le cadre en bois est particulièrement altéré. La campagne d’anoxie réalisée en 2022 a permis d’éviter toute infestation d’insectes xylophages. En revanche, les angles sont ouverts et désolidarisés, quelques têtes de clous oxydées dégradent les enduits et quelques fissures sont visibles.

Tout d’abord, le cadre est dépoussiéré et nettoyé. Les précédentes interventions, altérées ou recouvrant partiellement l’original, sont retirées par respect de l’œuvre originale.

 

Dans un premier temps, il s’agit consolider la structure du cadre dont les différents éléments ont pu se désolidariser avec le temps.

Les angles du cadre sont ouverts

L’angle ouvert du cadre est renforcé par l’arrière à l’aide de tasseaux.

La surface moulurée et dorée est à la fois empoussiérée et encrassée. Certains éléments d’ornements striés qui se sont détachés ont pu être recollés. Les parties lacunaires sont, quant à elles, recréées.

 

Ensuite, une dorure à la feuille est ensuite appliquée sur les moulures, ainsi qu’une patine pour harmoniser l’ensemble.

Raccords de dorure sur le cadre

La feuille d’or est appliquée sur les parties manquantes. Elles sont ensuite patinées pour se marier avec les parties restantes.

Après toutes ces étapes, le tableau, restauré en parallèle, peut être redisposé dans son cadre.

 

 

Les restaurations de cette envergure sont ciblées et choisies avec précaution. Le travail de restauration est fait par des professionnels diplômés et certifiés pour travailler avec les Musées de France comme le MahG. Ici, ces interventions sont l’œuvre de La Fabrique de Patrimoines en Normandie. Pendant plusieurs mois, ce tableau de Raoul Fougeray du Coudray a fait l’objet de traitements qui permettent d’assurer sa présentation lors d’exposition dans de bonnes conditions. Soyez attentifs à la programmation de nos prochaines expositions si vous souhaitez découvrir ce tableau restauré !

L'oeuvre de Fougeray du Coudray avant restauration
L'oeuvre de Fougeray du Coudray après restauration

L’oeuvre de Raoul Fougeray du Coudray, avant et après restauration

Photographies : La Fabrique de Patrimoines en Normandie