Le récolement au service des collections : « Je travaille pour transmettre les collections »
Le 29 avril 2025
Rencontre avec Léa Lespagnol, chargée de récolement des collections du Musée d’art et d’histoire.

Léa entre dans la salle de travail et ses yeux scintillent à l’idée de retrouver les collections qu’elle a quittées la veille. Son sourire est franc : il n’y a pas de doute, elle est passionnée par ses missions.
Léa Lespagnol a rejoint l’équipe du Musée d’art et d’histoire pour une mission de 5 mois. Après une licence en histoire à Avignon et un master en histoire de l’art, parcours patrimoine et musées à Lille obtenu en 2024, elle travaille au sein du Centre de conservation des musées de Granville pour une mission de récolement des collections d’art graphique et de textile. Durant les différents stages qu’elle a effectués, notamment pour le Musée de la Légion Etrangère, la mairie de Saint-Emilion ou le Louvre, Léa a acquis une expérience avérée dans le domaine des arts graphiques. Les collections textiles lui sont moins familières, malgré son passage au Musée de la Légion Etrangère et un intérêt marqué pour les costumes, notamment ceux du 19ème siècle.
Le récolement, c’est quoi exactement ?
Le récolement consiste à « vérifier, sur pièce et sur place, à partir d’un bien ou de son numéro d’inventaire, la présence du bien dans les collections, sa localisation, l’état du bien, son marquage, la conformité de l’inscription à l’inventaire avec le bien ainsi que, le cas échéant, avec les différentes sources documentaires, archives, dossiers d’œuvre, catalogues ». (Arrêté du 25 mai 2004 fixant les normes techniques relatives à la tenue de l’inventaire, du registre des biens déposés dans un musée de France et au récolement). En d’autres termes, le récolement est une opération de constat visant à s’assurer que les biens appartenant aux collections des musées de France sont correctement identifiés, décrits et localisés. Le Musée d’art et d’histoire de Granville bénéficiant de la prestigieuse et exigeante appellation « Musée de France » se doit d’opérer des campagnes de récolement tous les 10 ans.
Une première étape consacrée aux arts graphiques
C’est d’abord sur les arts graphiques que Léa a porté son regard expert. En effet, avant l’exposition Bons Baisers de Granville 3, la jeune diplômée a fait de nombreuses recherches sur les sujets représentés afin d’alimenter le contenu de l’exposition. André Eono, artiste breton du 20ème siècle, dont les œuvres sont exposées dans la section « Chausey en vedette », a représenté quelques illustres personnages granvillais. Certains étaient déjà identifiés, d’autres restaient à déterminer et leurs fiches d’inventaire à compléter. Les noms des personnages, leurs métiers, leurs dates de naissance, leurs liens avec l’histoire locale… « J’aime beaucoup ce travail d’enquête », confie Léa qui s’appuie sur les informations disponibles sur internet, dans la riche bibliothèque du Centre de conservation, dans le fonds patrimoine de la Médiathèque Charles de la Morandière de Granville et sur l’aide précieuse de sa collègue Chantal Hébert, en charge de la documentation : « Elle, elle sait tout ! ».
Léa consigne son travail à divers endroits : en premier lieu, sur la base de données des collections, afin de garantir l’accès à tous. Elle remplit également de nombreux tableaux, qui pourront être enrichis au fil du temps si de futurs chargés de récolement font de nouvelles découvertes. C’est ainsi que la recherche scientifique se construit.
Parmi les missions au long court de toutes les équipes du Musée d’art et d’histoire, la numérisation des fiches d’inventaire s’opère depuis plusieurs années. En effet, à la constitution des collections au 19ème siècle, l’informatique n’existait pas encore. Dans un souci de suivi, des fiches bristol accompagnaient les œuvres. Près de deux siècles plus tard, certaines fiches regorgent d’une myriade d’informations, de sources, d’anecdotes, qu’il est précieux d’informatiser pour ne rien perdre de ce savoir. A l’échelle des quelques 15 000 objets recensés identifiés au sein des collections du Musée d’art et d’histoire, ce travail titanesque est réalisé sous forme de campagnes successives : les coiffes, puis les bijoux, puis les coffres, puis les meubles… Léa, avec son énergie et son enthousiasme à toute épreuve, aura participé tout au long de son contrat à cette tâche aussi minutieuse qu’indispensable.


Le récolement, l’occasion d’effectuer des recherches approfondies
Au fil de ses recherches, Léa récole également des œuvres représentant des vues de Granville. Celle qui n’avait jamais visité la cité corsaire découvre ainsi la ville d’abord par ses représentations puis par ses rues. Elle apprécie également l’évolution de Granville qui se construit sous ses yeux, à travers des lithographies ou de dessins. Des œuvres jusqu’alors jamais confrontées entre elles, permettent de comprendre le processus de création d’un artiste. Ici, un dessin préparatoire et là, une lithographie finalisée, désormais altérée par le temps et notée comme « à restaurer » dans l’un des tableaux que remplit Léa. Ces deux objets, consultés à trois semaines d’intervalle, ont attiré l’attention de Léa. Son instinct se révèle juste : le musée conserve ces deux objets qui pourraient être présentés en parallèle lors d’une prochaine exposition. Les fiches d’inventaire seront désormais reliées, afin que cette information ne soit pas perdue.


Une deuxième étape en lien avec les œuvres textiles
Le textile, qui représente une large part des collections du MahG, est un médium complexe à appréhender et occupe Léa durant la deuxième partie de son contrat. Souvent moins documenté, puisque relevant de la vie quotidienne et variant d’une région à l’autre, le textile reste mystérieux et mobilise l’énergie d’une partie de l’équipe pour en assurer la bonne identification, connaissance, conservation et transmission.
Pendant sa mission, Léa s’intéresse particulièrement aux robes d’enfants (dépoussiérage, mesures, photographies…) pour poursuivre les différents chantiers entrepris ces dernières années, notamment avec les chantiers-école de l’Institut National du Patrimoine.
Ce travail de l’ombre, réalisé par Léa Lespagnol, a été possible grâce au financement de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC). Ce chantier de récolement vient en complément ponctuel d’un travail mené tout au long de l’année par les équipes du Musée d’art et d’histoire, qui travaillent sans relâche pour identifier, documenter, enrichir, restaurer, présenter, nourrir les collections publiques et ce, malgré la fermeture depuis 2015 du Logis du Roi.