« Christian Dior, couturier visionnaire »
6 avril – 3 novembre 2024
Faire de la maison d’enfance de Christian Dior, un musée dédié à l’œuvre et à la vie du couturier, consacre sa ville natale, comme la source d’inspiration déterminante d’un parcours personnel à dimension universelle. De Granville à l’Amérique en passant par Paris ou Londres, Christian Dior a marqué de son empreinte les lieux qu’il a traversés, tout autant que ces derniers l’ont façonné. Les années d’insouciance passées à Granville sont fondatrices et forgent les traits caractéristiques de l’homme et du créateur que devient Christian Dior à Paris. La Maison qu’il y établit devient rapidement le centre d’attraction au point que son nom est bientôt le synonyme de l’élégance de Paris dans le monde entier. Si le succès de la Maison Christian Dior trouve un écho tout aussi fulgurant à l’international, c’est qu’elle sait s’adapter aux attentes d’une clientèle étrangère.
Trois escales, réparties sur les trois niveaux de la villa, racontent ce cheminement et témoignent de la créativité du couturier largement influencé par son enfance granvillaise. Les collections exposées sont majoritairement issues du fonds du Musée Christian Dior, à l’exception de quelques prêts du Musée d’art et d’histoire de Granville ou de particuliers pour les objets relatifs au contexte historique, et de Dior Héritage pour des pièces contemporaines inspirées de la cité natale du couturier et de l’histoire familiale.
A Granville, entre terre et mer
Au sein du cocon préservé de la Villa Les Rhumbs, entre les festivités granvillaises et les bains de mer, Christian Dior développe par sa mère un goût passionné pour les fleurs, se plaisant davantage dans la lecture des catalogues du grainetier parisien Vilmorin Andrieux que dans celle de quelque roman.
Cette inspiration florale nourrit la première collection haute couture de la Maison Dior en 1947, la silhouette « Corolle » étant un premier hommage implicite au jardin d’enfance du couturier. Elle perdure tout au long de la décennie 1947-1957 et infuse les créations des successeurs de Christian Dior. Le modèle Bonne Année créé pour la collection automne-hiver 1957-1958 (ligne Fuseau), aux délicates broderies de fleurs d’hibiscus argentées, entre ainsi en dialogue avec une robe bustier brodée de fleurs multicolores réalisée par Maria Grazia Chiuri pour la collection Prêt-à-porter printemps-été 2021.
Rendant hommage aux lectures de jeunesse du couturier, la Maison Dior, au travers de son département Dior Maison, imagine quelques décennies plus tard une collection de vaisselle baptisée « Granville » (2021) inspirée des motifs du grainetier.
C’est encore à Granville, lors d’une kermesse, que Christian Dior rencontra pour la première fois une voyante dont la prédiction fut décisive : « Vous vous trouverez sans argent, mais les femmes vous sont bénéfiques et c’est par elles que vous réussirez. Vous en tirerez de gros profits et vous serez obligé de faire de nombreuses traversées » (Christian Dior et moi, 1956). Il entretient dès lors une relation particulière avec les signes, présages et prédictions, notamment celui qui le conduit à ouvrir sa propre maison de couture à Paris en 1946.
La mythique étoile métallique sur laquelle le pied de Christian Dior vient buter sur le pavé parisien à l’aube d’ouvrir sa maison de couture et qu’il conserva toute sa vie pour lui porter chance, est magnifiée dans le jardin d’hiver de la villa Les Rhumbs. Le muguet, fleur porte-bonheur par excellence, apparaît sur de nombreux modèles et accessoires, et les créateurs d’aujourd’hui le déclinent à leur tour avec créativité et fantaisie sur les collections. Kris Van Assche, directeur artistique de Dior Homme de 2007 à 2018, en parsème sur un costume masculin pour la collection automne–hiver 2014-2015.
La révolution du New-Look à Paris
Dans un Paris encore marqué par les privations de la guerre, Christian Dior renoue avec l’esthétique d’une belle époque désormais révolue en proposant des robes empreintes de luxe et de féminité. C’est par une multitude de croquis que se bâtit d’abord sa collection. Une sélection d’entre eux, réalisés pour certains avant 1947, permet d’approcher le processus créatif du couturier dessinateur : « Je griffonne partout, au lit, au bain, à table, en voiture, à pied, au soleil, sous la lampe, le jour, la nuit ». (Christian Dior et moi, 1956).
La première collection, présentée le 12 février 1947 et baptisée « New-Look » par une journaliste américaine, donnera le ton des suivantes, déclinées en de multiples variations aux noms évocateurs : Cachottière (automne-hiver 1950-1951, ligne Oblique), Saphir (automne-hiver 1951-1952, ligne Longue) ou encore Mutine (automne-hiver 1954-1955). L’unité de ton de ces modèles – le noir – permet d’en lire la ligne et de comprendre son importance, étroitement associée à celle de la coupe : « une robe bien coupée est une robe peu coupée ». (Christian Dior et moi, 1956).
Sur les toiles blanches réalisées par les ateliers, les motifs et couleurs les plus fantastiques répondent à son désir d’être un faiseur de rêves, aidé de créateurs talentueux tels qu’Andrée Brossin de Méré réputée pour l’audace et la qualité de ses tissus. Une sélection d’échantillons aux motifs d’animaux, de fleurs ou d’ornements architecturaux ouvre la voie à l’imaginaire : ils deviendront tailleurs, robes de bal ou de cocktails.
Soucieux d’obtenir une silhouette harmonieuse et cohérente, Christian Dior offre au rez-de-chaussée du 30 avenue Montaigne une boutique, Colifichets, où les clientes peuvent être vêtues de la tête aux pieds. Outre les accessoires, des modèles prêt-à-porter ne tardent pas à compléter l’offre, et naît ainsi en 1955 la griffe « Christian Dior boutique » qu’illustre une robe de cocktail bustier en satin de soie bleu turquoise brodé de fils métalliques dorées, de coquillages nacrés, d’oiseaux et de perles. Souliers, gants, sacs à mains, bijoux et collants de toutes époques donnent à comprendre l’esprit insufflé par le créateur à sa maison de couture. « Touche finale » d’une tenue, le parfum fait aussi son apparition parmi tous ces « colifichets », dont l’iconique « Miss Dior », le premier, créé dès 1947. Flacons et coffrets de présentation déclinent les différents codes de la maison Dior : l’amphore, le nœud, ou encore le motif pied de poule.
Auréolée du prestige de la maison de couture, la capitale lui offre en retour de multiples sources d’inspiration. Ainsi Amour (printemps-été 1955), robe de dîner courte, représente la ligne A, directement inspirée de la silhouette de la Tour Eiffel.
Christian Dior, l’esprit d’entreprise
Christian Dior se révèle non seulement un artiste, mais également un homme d’affaires aguerri. En dix ans seulement, il parvient à apporter un nouveau souffle à l’industrie de la mode en imposant ses propres canons esthétiques, en multipliant les licences à l’étranger, en faisant appel à des fournisseurs locaux, en s’adaptant à une clientèle variée et en ouvrant des magasins outre-Atlantique grâce à l’appui de la presse nationale et internationale. Des collections sont créées sur mesure pour une clientèle étrangère, désireuse d’adopter le style parisien tout en conservant des particularismes locaux.
Les collections Croisière, imaginées par Christian Dior dès 1948, doivent conquérir une clientèle voyageuse et internationale. Plus que jamais d’actualité, ces collections, et les somptueux défilés qui les accompagnent, nous emmènent en Californie (2018), au Mexique (2019) ou encore au Maroc (2020), pays qui inspirent ces créations et sont souvent le lieu de leur défilé.
Parmi les destinations qui faisaient rêver Christian Dior, enfant, dans la villa Les Rhumbs, le Japon aura nourri sa créativité, et, à sa suite, celle des directeurs artistiques qui lui succèdent. Surprise (collection automne-hiver 1955-1956, ligne Y), ensemble composé d’une tunique et d’une jupe en broché de soie saumon, est une invitation au pays du Soleil Levant. Par sa forme et ses motifs, il nous rappelle la fascination du couturier pour ce pays si lointain, qu’inspira autant une grande créatrice du XXème siècle, Charlotte Perriand dont deux modèles Dior lui ayant appartenu sont présentés pour la première fois suite à un don reçu de sa fille en 2023. Un cabinet à bijoux en argent, offert par l’impératrice du Japon à Simone Noir, première vendeuse Haute Couture dès 1947, illustre, par sa délicatesse et sa finesse d’exécution, autant le travail des artistes japonais que les relations étroites entretenues entre le Japon et la maison Dior.
Le musée Christian Dior, musée et lieu de mémoire
En tant que premier musée entièrement dédié à un couturier en France, le musée Christian Dior se caractérise par une histoire particulière. Implanté dans la maison d’enfance du créateur, il doit son existence à l’engouement provoqué par l’exposition « Christian Dior, l’autre lui-même » organisée au Musée d’art moderne de Granville en 1987 à l’occasion du quarantième anniversaire de la maison de couture. L’enthousiasme des visiteurs suscite, auprès des anciens collaborateurs et proches de Christian Dior, l’envie de constituer un fonds qui n’a cessé depuis de s’enrichir, d’être étudié puis présenté au public au cours d’expositions temporaires.
Musée Christian Dior
Villa Les Rhumbs / 1 rue d’Estouteville / 02 33 61 48 21 / musee@museechristiandior.fr / Horaires, tarifs et réservation en ligne : www.musee-dior-granville.com